phobia a écrit:La peur est liée au manque de connaissances et peut diminuer voire disparaître en s’ informant, je vous l’ accorde.
Il en va tout autrement pour le dégoût, qui est totalement hors contrôle, car irraisonné.
J’ ai ainsi un violent dégoût pour les araignées, les serpents, les orvets, les vers de terre, etc
Dans le "etc" mettez vous le crapaud ?
Beaucoup de gens le trouve "dégoutant".
Je ne résiste pas à mettre ce passage tiré de l'
Histoire Naturelle des Quadrupèdes Ovipares et des Serpens écrit par le Comte de Lacépède en 1788/1789 (ouvrage entré dans le domaine public, et donc consultable librement sur internet), concernant le crapaud commun:
Tout en est vilain, jusqu'à son nom, qui est devenu le signe d'une basse difformité; [...]. On est tenté de prendre cet animal informe pour un produit fortuit de l'humidité et de la pourriture, pour un de ces jeux bizarres qui échappent à la nature; et on n'imagine pas comment cette mère commune, qui a réuni si souvent tant de belles proportions à tant de couleurs agréables, et qui même a donné aux grenouilles et aux raines [=rainettes] une sorte de grâce, de gentillesse et de parure, a pu imprimer au crapaud une forme si hideuse. Et que l'on ne croie pas que ce soit d'après des conventions arbitraires qu'on le regarde comme un des êtres les plus défavorablement traités : il parait vicié dans toutes ses parties. S'il a des pattes, elles n'élèvent pas son corps disproportionné au-dessus de la fange qu'il habite. S'il a des yeux, ce n'est point en quelque sorte pour recevoir une lumière qu'il fuit. Mangeant des herbes puantes ou vénéneuses, caché dans la vase, tapi sous des tas de pierres, retiré dans des trous de rochers, sale dans son habitation, dégoûtant par ses habitudes, difforme dans son corps, obscur dans ses couleurs, infect par son haleine, ne se soulevant qu'avec peine, ouvrant, lorsqu'on l'attaque, une gueule hideuse, n'ayant pour toute puissance qu'une grande résistance aux coups qui le frappent, que l'inertie de la matière, que l'opiniâtreté d'un être stupide, n'employant d'autre arme qu'une liqueur fétide qu'il lance, que paraît-il avoir de bon, si ce n'est de chercher, pour ainsi dire, à se dérober à tous les yeux, en fuyant la lumière du jour?
[...] Il semble qu'au physique comme au moral, ce qui est le plus mauvais est le plus facile à produire; et d'un autre côté, on dirait que la nature a voulu, par ce frappant contraste, relever la beauté de ses autres ouvrages.
Il y en a plusieurs pages comme ça, et l'excès rend le texte en définitive très comique (ce que le crapaud est, je trouve).
Pour ce qui est des Serpents, s'ils avaient l'aspect de vers de terre, personne (quoique...) ne les trouverai "jolis" ou "merveilleux". C'est très laid un ver de terre.
A l'inverse, les serpents sont souples, vifs, agiles, et c'est surtout leur peau particulière, avec cet aspect cuirassé à reflets métalliques qui les rendent beau je trouve. Ou aussi leur mouvement quand il nagent dans l'eau ( vous ne verrez jamais un ver de terre nager de la sorte
)
Même l'auteur cité au dessus (qui n'aime définitivement pas les crapauds) est assez élogieux dans son ouvrage sur la beauté des serpents, même les plus venimeux.
J'aime bien ce passage d'ailleurs:
Les couleuvres que nous avons à décrire ne nous présenteront ni venin mortel, ni armes funestes ; elles ne nous montreront que des mouvements agréables, des proportions légères, des couleurs douces ou brillantes ; à mesure que nous nous familiariserons avec elles nous aimerons à les rencontrer dans nos bois, dans nos champs, dans nos jardins; non seulement elles ne troubleront pas la paix de nos demeures champêtres ni la pureté de nos jours les plus sereins mais elles augmenteront nos plaisirs en réjouissant nos yeux par la beauté de leurs nuances et la vivacité de leurs évolutions; nous les verrons avec intérêt allier leurs mouvements à ceux des divers animaux qui peuplent nos campagnes, se retrouver sur les arbres jusqu'au milieu des jeux des oiseaux, et servir à animer, dans toutes ses parties, le vaste et magnifique théâtre de la nature printanière.
A+
Bruno